Où je cause printemps, solitude et avenir
J’ai toujours pensé qu’en notre bas monde, certaines choses devraient être formellement interdites. Je pense, par exemple, aux loris paresseux, ces venimeux mammifères au sourire si doux. Ou bien aux séries américaines qui nous font croire que la vie est une éternelle fête de fin d’année. Ou bien à l’Eurovision, cet immuable vecteur d’humiliation nationale.
Malheureusement, comme je ne suis ni riche ni puissante, je ne peux rien interdire en ce bas monde, pas même la prolifération des punaises de lit dans mon misérable appartement d’étudiante.
Aujourd’hui, donc, je voudrai abattre d’un coup franc et décidé la solitude. Voyez le tableau : au dehors, d’insolents volatiles gazouillent, ponctuant de leurs chants vénéneux le bruit des voitures qui se fracasse à ma fenêtre. Me voilà, douloureux corps portant douloureux esprit, malade de langueur.
Au dehors, il fait presque beau. Cela ne durera pas. Toute la semaine, il a fait un temps à ne pas mettre un béarnais dehors. J’ai erré de mon studio à mon lycée, de mon lycée à mon studio, de mon studio à mon lycée, de mon lycée à mon studio. J’aimerai travailler plus, mais je n’en ai ni le coeur, ni l’envie. Le travail, disait ma grand-mère, c’est pour ceux qui n’ont pas de talent.
Alors je traîne. Mon amoureux, à cinq cent damnés kilomètres, gazouille entre les siens. Il ne me manque même pas. Mais je regrette sa présence, douce, rassurante, apaisante. Je n’ai pas assez grandi pour vivre sans homme à mes côtés. Lorsque je suis seule, j’étouffe.
Et puis je repense à la dernière citation philosophique que mon encéphalle aie daigné retenir : happiness is only real when shared. C’était dans un film qui parlait de grands espoirs, de bus magique, d’espoir et de mort. J’adore l’espoir. J’adore la mort. Je hais la solitude.
Pour quelqu’un comme moi, qui appartient – ou voudrait appartenir- à la douce caste des intellectualos-poéto-artistes, la peur de la solitude est presque pire que l’addiction aux programmes de la sixième chaîne. Or, en ces temps pleins de fureur et de bruit, je cumule les deux. Me voilà passée d’aspirante-intellectualo-poéto-artiste à loque décadente.
Qui a dit que rien ne se perd, rien ne se créée, mais tout se transforme ?