radegonda

Râleuse professionnelle depuis 1993

Où je cause printemps, solitude et avenir

J’ai toujours pensé qu’en notre bas monde, certaines choses devraient être formellement interdites. Je pense, par exemple, aux loris paresseux, ces venimeux mammifères au sourire si doux. Ou bien aux séries américaines qui nous font croire que la vie est une éternelle fête de fin d’année. Ou bien à l’Eurovision, cet immuable vecteur d’humiliation nationale.

Malheureusement, comme je ne suis ni riche ni puissante, je ne peux rien interdire en ce bas monde, pas même la prolifération des punaises de lit dans mon misérable appartement d’étudiante.

Aujourd’hui, donc, je voudrai abattre d’un coup franc et décidé la solitude. Voyez le tableau : au dehors, d’insolents volatiles gazouillent, ponctuant de leurs chants vénéneux le bruit des voitures qui se fracasse à ma fenêtre. Me voilà, douloureux corps portant douloureux esprit, malade de langueur.

Au dehors, il fait presque beau. Cela ne durera pas. Toute la semaine, il a fait un temps à ne pas mettre un béarnais dehors. J’ai erré de mon studio à mon lycée, de mon lycée à mon studio, de mon studio à mon lycée, de mon lycée à mon studio. J’aimerai travailler plus, mais je n’en ai ni le coeur, ni l’envie. Le travail, disait ma grand-mère, c’est pour ceux qui n’ont pas de talent.

Alors je traîne. Mon amoureux, à cinq cent damnés kilomètres, gazouille entre les siens. Il ne me manque même pas. Mais je regrette sa présence, douce, rassurante, apaisante. Je n’ai pas assez grandi pour vivre sans homme à mes côtés. Lorsque je suis seule, j’étouffe.

Et puis je repense à la dernière citation philosophique que mon encéphalle aie daigné retenir : happiness is only real when shared. C’était dans un film qui parlait de grands espoirs, de bus magique, d’espoir et de mort. J’adore l’espoir. J’adore la mort. Je hais la solitude.

Pour quelqu’un comme moi, qui appartient – ou voudrait appartenir- à la douce caste des intellectualos-poéto-artistes, la peur de la solitude est presque pire que l’addiction aux programmes de la sixième chaîne. Or, en ces temps pleins de fureur et de bruit, je cumule les deux. Me voilà passée d’aspirante-intellectualo-poéto-artiste à loque décadente.

Qui a dit que rien ne se perd, rien ne se créée, mais tout se transforme ?

 

Ou je parle de mon fessier, et projette de changer le monde.

Ma grand mère me le répétait sans cesse tous les dimanches : « ma fille, si tu veux devenir une blogueuse moche célèbre et influente, il te faudra parler de cul ». 

Selon l’adage inventé à l’instant disant que les grand-mères ont toujours raison, je m’exécute. Parlons de mon séant. Mon séant n’est pas des moindres. Ce n’est pas lui qui, demain la veille, rentrera dans un gueux 36 ou un avare 38. Non. Mon cul a une superficie conséquente, qui, si elle ne s’évalue pas en hectares, n’en est pas moins respectable. Je tiens ici à lui rendre l’hommage qu’il mérite. 

Mes fesses, dira le poète, sont le réceptacle d’une charmante adiposité. Il n’est qu’un gros cul, clamera le manant, s’il n’est pas porté outre mesure au lyrisme. Mes fesses sont parcourues de sillons, de capitons, de ridillons, de poilillons. Elles sont l’absurde opposé de la carricature de fesses que nous donnent en pâture magazines et autres donneurs de leçons en chef du 21ème siècle. A ce titre, elles perdent en beauté ce qu’elles gagnent en originalité. 

Ma douce moitié, qui parle en expert incontesté, sait combien l’étendue d’un fessier entretient une corrélation étroite avec la sympathie de sa propriétaire : à moins qu’il ne dise cela juste pour y avoir un accès illimité. Le mystère demeure entier. 

Que serions nous, hommes et femmes, sans le séant qui nous assied ? Nous devons à notre postérieur les plus doux moments de notre vie, que décence m’interdit d’énumérer. De notre naissance à notre trépas, nous sommes tributaires de notre fessier, par lequel tout passe et tout trépasse.

Notre basse société de douleur et d’abnégation ne respecte pas assez le seigneur fessier. On lieu impose d’affreuses culottes, d’hideux jeans, d’infamants régimes, d’horribles gaines. La vie ne serait-elle pas pourtant plus belle si, tous autant que nous sommes, nous nous libérions des tissus qui nous entravent? Une société de culs en liberté serait une douce et tendre utopie : imaginez, chers lecteurs, la teinte rosée que prendrait notre gris monde si tout un chacun baissait jupon, culottes et pantalons pour offrir à la vue de tous son postérieur ? D’avance, j’en frissonne. 

Ou je me présente (presque).

Salut, ô, toi, badaud, errant, baguenaudant. Oui, toi, tu tombes bien. Aujourd’hui, j’ai une furieuse envie de me plaindre. Rien ne va. Le monde est putrescent. Les gens se tirent dessus. On meurt dans la rue au mois de mars. Tout le monde se fout des conflits ethniques en Papouasie, de la candidature de Dédé l’Abeillaud, des retards de la SNCF, de ma poire.

Oui, tiens, ma poire, parlons-en. Je suis étudiante. Et comme j’ai le malheur de n’être ni à normale ni à sciences-po, et de n’avoir pas pour géniteur des héritier de Bill Gates, ma vie est toute pourrie. Comme la tienne, mais en pire. Comprends : je bouffe à Lidl, ma vie sociale se résume aux passionnants dialogues imaginaires que j’entretiens avec ma future conseillère pôle emploi, je n’ai aucun avenir, et j’habite dans une ville toute grise.

En ce moment, tout m’agace, au point que si je n’étais retenue par les stricts principes de mon éducation bourgeoise, j’irai insulter mes poissons rouges imaginaires en allemand. Quand je pense à demain, j’ai le cafard. Vous savez, vous, ce que c’est que l’avenir pour un jeune de 18 ans en 2012 ? Il vous suffit d’imaginer un monde sans pétrole, sans Johny (mes dons de voyance prévoient sa mort imminente), sans minitel, sans amour, sans travail. Un monde de merde, où l’on paie chaque seconde le prix du ticket d’entrée.

 

Je pars très mal dans la vie. D’abord, je suis une femme. Cet état de fait me condamne au port de talons aiguilles, à la visite mensuelle de vilaines copines toutes de rouge vêtues, à un écart salarial de 20% avec Kevinus Comunus, à 17,4 mois de grossesse en moyenne, aux sifflets des sus-cités Kevinus Comunus dans le bus, aux vergetures et aux conseils des magasines féminins.

Ensuite, je suis jeune. Bon, pas mineure non plus, hein, n’abusons pas. Disons que je suis trop vieille pour aller à la teuf de Marie-Chantal, et trop jeune pour me faire appeler madame. Cet âge infâme de la vie où rien n’est ni achevé, ni à venir, ni possible. Et je suis à peine pessimiste.

Quand j’étais petite, j’étais bourgeoise. Depuis, je déchois. J’adore la décadence, mais seulement quand elle s’accompagne de champagne et de foie gras. Or, ma décadence à moi, qui a le bonheur de rimer avec « indépendance », elle a commencé à 18 ans, alors que j’ai passé un été à récurer les toilettes d’un camping. C’est là, courbée sur une faïence souillée, avec aux mains des gants en latex rose d’un goût exquis, que j’ai commencé à être en colère. Contre la patronne qui m’avait promis un poste de « réceptionniste trilingue ». Contre la société, qui autorise l’esclavagisme contre 1070 euros nets. Contre la saleté des touristes catalans. Contre la Cerdagne. Contre tout, ou presque.

Bienvenue sur ce blog, où je m’énerverai fréquemment. Vos commentaires sont les bienvenus, sauf s’ils parlent de Justin Bieber ou du bébé de Carlita.